Les serious games, ou jeux vidéo à vocation pédagogique, continuent leur progression au sein des plus grandes des entreprises françaises, où ils sont utilisés tant pour le recrutement que pour la formation interne. Retour sur un outil qui, au début, semblait n’avoir de sérieux que le nom.
L’essor des serious games (ou jeux vidéo à vocation pédagogique) à l’intérieur des entreprises n’était pas un simple coup de communication ni une mode éphémère. Aujourd’hui, c’est un phénomène consistant et en progression: 31 sociétés sur les 40 que compte le CAC ont conçu ou fait développer leurs propres jeux vidéo pour recruter, intégrer, former des salariés ou les sensibiliser aux enjeux de l’entreprise(*). Il y a trois ans, la moitié seulement des plus grandes entreprises françaises y avait recours.
« Pour les 9 entreprises du CAC 40 restantes, 4 nous ont confirmé qu’elles n’en utilisaient pas et 5 restent discrètes sur ce point. Il est donc possible que ces dernières soit en train d’en développer pour l’avenir », indique Laurent Michaud, responsable des loisirs numériques à l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe), think tank spécialisé dans l’économie numérique.
Pour la formation et le recrutement avant tout
D’après le responsable de l’Idate, quasiment les deux tiers des jeux utilisés le sont dans le cadre de la formation continue des salariés. Suivent: l’intégration des nouveaux salariés (15%), le recrutement (10%), et la sensibilisation aux enjeux de l’entreprise (7%).
Autre évolution: aujourd’hui, 50% des sociétés du CAC 40 recourent plus fréquemment à au moins 2 serious game. Elles sont même 25% à en utiliser au moins 4. Parmi les plus friandes, on citera la compagnie Total, qui en utilise jusqu’à 7, dont Total Genius Campus, un jeu en ligne destiné aux étudiants avec pour thème les défis du futur énergétique d’un pays imaginaire. En tout, quelque 90 titres sont mis à disposition par les sociétés du CAC 40.
Mieux adaptés
Pour Laurent Michaud, il y a eu des progrès significatifs depuis la dernière étude de l’Idate en 2011. « Le gameplay [la jouabilité, la maniabilité et la façon dont le jeu se joue, Ndlr] était souvent dupliqué, donc pas forcément adapté aux besoins de l’entreprise. Souvent, les serious games n’étaient pas ludiques. Aujourd’hui, les serious games sont de véritables jeux. » Jérôme Leleu, président d’Interaction Healthcare, une agence interactive spécialisée dans la santé et conceptrice de jeux à destination des sociétés, renchérit: « Ceux qui en développaient déjà ont acquis une maturité. Ainsi, nos clients demandent à l’intégrer dans la stratégie de plan RH de l’entreprise. »
L’aspect communication externe est désormais passé au second plan:
« Dans un premier temps, l’investissement dans ce domaine était de bon ton. Il montrait qu’on était moderne dans des univers persistants [monde virtuel utilisé comme environnement dans un jeu de rôle multijoueur en ligne], explique Laurent Michaud. Ils ont notamment investi Second life [jeu de simulation où les joueurs se socialisent, interagissent dans un monde virtuel]. Aujourd’hui, le jeu vidéo d’entreprise sert avant tout à former et faire passer des objectifs de communication interne. »
Une évolution qui montre que le jeu intègre peu à peu la quantification des résultats, la mesure des objectifs et leur évolution. Des éléments « nécessaires à l’efficacité d’un serious game d’entreprise », indique Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV). Des moyens ludiques qui « améliorent les capacités des salariés grâce à des informations qui passent mieux à l’aide de mises en situation virtuelles ».
Du chemin à parcourir
Et du côté des entreprises de taille plus modeste ? L’Idate n’a pas mené d’étude précise, mais Laurent Michaud pressent « une irrigation dans ces sociétés, quoique plus lente que prévue. Elle ne suit pas la célérité des entreprises du CAC40. » Selon Jérôme Leleu, « les difficultés économiques font que le jeu vidéo est écarté au profit d’un investissement privilégié dans le cadre de l’activité ».
En outre, il estime que le sujet est encore très méconnu: « Le serious game suscite encore des interrogations. Des entreprises nous disent souvent, lors de nos conférences « Serious Game Time », qu’ils connaissent mal le concept, tout en s’y intéressant. »
Source : http://www.latribune.fr/technos-medias/electronique/20141119tribfe3179ee2/le-cac-40-de-plus-en-plus-accro-aux-jeux-video.html