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Les jeux sérieux, un support pour les documentalistes

Les jeux sérieux sont un support pédagogique précieux pour les professeurs documentalistes. Témoignages de deux enseignants qui utilisent, ou conçoivent, des serious games destinés au CDI.

Les jeux sérieux sont utiles dans de nombreuses disciplines, de la maternelle au lycée. Ils peuvent être utilisés à l’école primaire, en cours de SVT ou de techno, mais aussi au sein du centre de documentation et d’information (CDI) du collège ou du lycée.

Sophie Bon est professeure documentaliste au lycée Hugues Libergier, à Reims. Depuis trois ans, elle utilise le serious game “2025 ex machina”. Destiné aux 12-17 ans, il permet aux jeunes de mieux appréhender les risques liés à Internet – sur les réseaux sociaux, sur le web mobile, sur les blogs et sur les chats.

Ce serious game comporte 4 épisodes, accompagnés de fiches d’information sur les enjeux et risques traités, à destination des parents, et aussi des professeurs, dans le cas où ces derniers souhaitent sensibiliser leurs élèves collégiens et lycéens. Le jeu a été produit par Tralalere, éditeur de contenus numériques éducatifs, avec le soutien de la Commission Européenne et de la CNIL, dans le cadre d’Internet sans Crainte, le programme national de sensibilisation des jeunes aux risques et enjeux de l’Internet.

“J’utilise Ex Machina dans le cadre d’un projet d’établissement pour toutes nos classes de seconde. Nous avons un programme d’intervention, autour de la problématique de l’Internet responsable”, explique Sophie Bon. Son objectif, à travers ce jeu : “aider les élèves à se construire une identité numérique positive, leur apprendre à se protéger, et à protéger les autres.”

Aborder l’Internet responsable d’une façon « plus légère »

 

Ex Machina raconte une histoire. En 2010, Fred, lycéen, s’est fait des amis, et ceux-ci ont posté des photos de lui sur un réseau social ressemblant à Facebook, AmidAmi. Mais en 2025, Fred, qui a une belle carrière devant lui, voit une photo (délicate dans un cadre professionnel), prise 15 ans auparavant, ressurgir.

Mission pour le jeune joueur : découvrir comment la photo en question s’est retrouvée accessible à tous. Le “Network Detective” retourne ainsi dans le passé pour changer le futur. Le profil de Fred sur AmidAmi s’affiche. Au joueur d’interagir sur le réseau social de façon responsable.

“Ce côté scénarisé, ludique, permet de ne pas diaboliser le sujet traité, de l’aborder d’une façon plus légère et plus facile que dans le cadre d’un cours”, indique Sophie Bon.

Au lycée Libergier, les sessions sont collectives, par demi-classes. “C’est un choix de notre part : un élève joue, clique, et tous les autres sont autour de lui. Ils prennent, tous ensemble, les décisions de jeu”, explique la professeure documentaliste. Tandis que les lycéens jouent collectivement, “je peux débattre avec eux d’un certain nombre de questions relatives aux réseaux sociaux et à la vie privée”, ajoute-t-elle.

Les sessions durent deux heures. « La première est un cours traditionnel sur les traces que nous laissons derrière nous en surfant sur le web. La deuxième, c’est l’application concrète de ce que nous venons de voir, à travers le jeu. Cela permet, en plus de mettre les choses dans leur contexte, de faire passer des notions et de faire réfléchir les élèves », indique Sophie Bon.

Créer son propre jeu

Ex Machina est un jeu gratuit. Mais il demeure la propriété de ses concepteurs, et les scénarios restent ainsi limités. “L’idéal, ce serait de concevoir nous-mêmes, nous professeurs, nos propres jeux. Mais pour cela, il faut connaître la programmation. En outre, cela serait extrêmement chronophage !”, lance Grégoire Pagnier, le professeur de SVT que nous avions interrogé lors de l’épisode précédent.

Une poignée d’enseignants ont néanmoins sauté le pas. Claire Cassaigne, professeur documentaliste à Paris, au collège Gérard Philipe, a conçu son propre jeu, Missions IRD. “Il s’agit d’un logiciel d’initiation à la recherche documentaire, sous la forme d’un jeu d’aventure de type “point & click”, où l’on se déplace d’un endroit à un autre, et où l’on discute avec des personnages”, décrit-elle.

Claire Cassaigne a créé Missions IRD dans le cadre d’une formation à la programmation, organisée par le CANOPE de l’académie de Paris. “J’ai acquis des compétences en code, et j’ai produit ce jeu à la fin de la formation”, se souvient-elle.

Son objectif était de rendre l’initiation à la recherche documentaire (IRD) “plus attrayante”. En 6ème, “les élèves ont des cours d’infodoc, tous les 15 jours, sur la façon de chercher, de traiter et de communiquer l’information. Mon but était de leur permettre de réviser et de revoir les notions vues dans mon cours, d’une façon différente, plus ludique”.

Le jeu propose trois missions, qui durent chacune 5 minutes. “Il faut aider Phili, un extraterrestre, à se repérer parmi les livres du CDI, Willy le hamster à vérifier ses sources, ou le fantôme amnésique de Salvador Dali, à différencier un document et une fiction dans le catalogue du CDI”, explique Claire Cassaigne.

« Un jeu sérieux, pas une simple révision »

 

Par le jeu, proposé en fin de cours, “les élèves revoient des notions qu’ils n’apprendraient pas forcément seuls”, indique-t-elle. Côté motivation, l’aspect ludique de Missions IRD les incite à y rejouer. Ils le demandent d’eux même, parfois quand ils disposent d’une heure de permanence. Pour eux, Missions IRD est un jeu sérieux, et pas une simple révision”.

Claire Cassaigne constate que “les élèves retiennent mieux ce qui a été vu avec un tel jeu. Autrefois, en fin de cours, ils passaient à l’oral, et il y avait une interro, 15 jours plus tard. Les contrôles étaient souvent catastrophiques : ils avaient pour la plupart tout oublié. Avec ce jeu, ils se souviennent mieux de la façon dont ils s’y sont pris pour gagner et trouver l’information.”

Missions IRD est “open source” (libre d’utilisation) : d’autres professeurs, partout en France, l’ont téléchargé, et s’en servent avec leurs classes. “Sur mon blog, ils me posent des questions et échangent sur leurs expériences”, indique-t-elle.

L’enseignante propose aussi, sur le site du CDI, une série de petits modules, qu’elle a créés sur le site Learning Apps, une plateforme “qui permet à un prof de créer facilement des parcours interactifs en ligne, sans compétences en code requises”. Sur son blog, la professeure documentaliste a même mis en ligne un tutoriel destiné aux enseignants intéressés.

Ces petits jeux permettent également de réviser des notions sur la recherche documentaire. “Les modules qui marchent le mieux, ce sont ceux qui permettent de jouer contre son copain, les pendus, les courses de chevaux, ou encore les puzzles”, constate-t-elle en souriant.

Claire Cassaigne a pour projet de créer un deuxième “grand jeu”, dans la veine de Missions IRD, mais abordant cette fois le thème de l’information, des médias et du journalisme.

“Ce serait une suite, que j’appellerais pourquoi pas “Missions EMI”. Il s’agirait d’aider un personnage à créer le journal du collège, à différencier plusieurs types de médias, à écrire un article, ou à retenir le vocabulaire de la presse”, explique-t-elle. Seul obstacle à son projet : le temps. “J’ai passé deux heures par semaine pour concevoir Missions IRD, c’était un travail à temps plein !”, conclut la professeure documentaliste.

Source : http://www.vousnousils.fr/2015/01/21/les-jeux-serieux-un-support-pour-les-professeurs-documentalistes-561095