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Pas des jeux les serious games ?

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Il y a quelques semaines, nous parlions de cette recherche qui montrait que la frontière entre jeu et travail était plus que mince. À la limite, l’objet jeu sérieux en serait peut-être un hybride. Or, il y a une question qui jusque là était peu abordée dans les médias traitant du phénomène. Est-ce que les serious games sont de bons jeux vidéo? Ça peut sembler idiot, mais la question est plus que pertinente. Après tout, l’idée de base du phénomène était de pouvoir reprendre les codes de ces jeux populaires et les intégrer dans un cadre pédagogique.

Nous savions déjà que beaucoup de sites voulant pousser le côté nutritif du jeu en oublient l’amusement qui doit en découler. D’où le fait que nous voyons parfois des sections « jeux » offrant simplement des questionnaires à choix multiples. Certains vont plus loin comme ce texte de la revue Sciences du jeu qui confronte directement les aspects non ludique du serious game.

Un oxymore complet

Le paradoxe du jeu sérieux est qu’il confronte deux notions opposées. Le jeu est une session agréable de divertissement qui sort du quotidien. Or, en y accolant le sérieux, tout de suite il est enlevé cette notion au profit d’une plus didactique. Le problème est que cette approche ne sort pas l’élève du contexte scolaire. Le bon jeu vidéo projette le joueur dans un univers où il est un héros légendaire, un aventurier, un chef de guerre, un maire ou simplement un être qui veut vivre le mieux possible sa vie. Il lui fait oublier, en partie, ce qu’il est. À partir du moment où le serious game est proposé en classe, tout de suite les enfants savent qu’il s’agit d’un jeu « éducatif ». La notion d’identification et d’abandon à l’univers du jeu est déjà compromise.

Selon l’auteur de l’article Michel Lavigne, le jeu sérieux ne peut même pas être considéré comme un objet à la frontière du jeu et de l’éducation à cause de son modèle de conception. Les créations existantes ne sont pas le fruit d’une négociation entre développeurs de contenu multimédia et du monde éducatif ou trop peu. La plupart du temps, ils sont unilatéralement conçus pour ouvrir un nouveau marché sans vérifier si le public cible va véritablement y accrocher. Et comme nous avons pu le voir, les élèves peuvent être des critiques encore plus redoutables que les blogues et sites, comme le nôtre, s’intéressant au phénomène.

Toutes sortes de jeux pour toutes sortes de joueurs

Le texte aborde aussi une vague d’évaluations faites auprès de jeunes adultes (18-20 ans) depuis 2012 sur près d’une vingtaine de jeux sérieux gratuits sur la Toile et s’adressant à eux. Là encore, cette génération du numérique n’est pas toujours très tolérante envers les jeux. En fait, autant ils reconnaissent le travail mis sur l’univers du jeu et sur son contenu pédagogique, ils ne sont, en général, pas tendres avec l’aspect ludique qu’ils considèrent le plus faible. Beaucoup de serious games reçoivent la mention qu’il ne s’agit pas de jeux, qu’il n’y a pas de modes de difficulté, de progression, de défis, etc.

Par contre, cette perception n’est pas uniforme. Elle diffère selon que les évaluateurs sont des grands ou des petits joueurs. Les premiers jouent par passion, souvent plusieurs heures par semaine, et se sont fait un véritable avis sur les jeux vidéo. Les seconds pratiquent le jeu plus occasionnellement. Par exemple, avec la fratrie ou dans les transports en commun, mais sans plus. Pour eux, les serious games testés étaient alors plus ludiques que pour les grands joueurs. La seconde catégorie serait plus facile à tromper dans la notion de jeu que les premiers. Ils se satisferont alors de graphismes minimaux, de mécaniques simples ou du peu de difficulté.

Comme le souligne l’article, pour rendre les choses plus compliquées, il ne semble pas y avoir de critères communs pour dire ce qu’est un bon jeu vidéo. Certains joueurs sont plus contemplatifs et vont analyser beaucoup l’aspect visuel alors que d’autres plus actifs sont scruter les mécaniques mises en place, le type de défi, etc. Un fait que le milieu du jeu vidéo a compris depuis des années. Des titres se vendent sur l’aspect technique poussé alors que d’autres vont se vendre sur les façons de jouer. Du coup, à quelques exceptions près, rares sont les jeux qui plairont à tous. La génération du numérique n’est pas aussi homogène que certains pouvaient le croire.

Le jeu sérieux est pris dans une position délicate puisqu’il ne peut permettre autant d’évasion et de subversion que ceux vendus pour fins de divertissement. Cela ne veut pas dire qu’il faille l’éliminer comme outil pédagogique. Toutefois, tous ceux qui affirmaient que ces jeux arrivaient à brouiller entièrement la frontière entre apprentissage et jeu vidéo semblent être dans l’erreur. Les jeunes voient cette différence.

Les développeurs pourraient possiblement, pour améliorer la situation, faire plus de partenariats avec le milieu éducatif pour comprendre ce que les élèves veulent. Ils sont néanmoins avertis qu’aucun type de jeu ne pourra intéresser 100% de la classe.

Source : http://cursus.edu/article/27068/pas-des-jeux-les-serious-games/