Les “serious games” continuent de marquer des points et sont prisés par de nombreuses entreprises comme outil de recrutement, de formation, mais aussi de communication. Néanmoins, ils ont la réputation d’être encore très onéreux. Mais les entreprises ou organisations qui les ont adoptés disent s’y retrouver. Tour d’horizon des usages de ces “jeux sérieux” en entreprise.
Au premier abord, les “serious games” évoquent les jeux vidéo ou jeux d’arcade en 3D. Un détour chez ceux qui les pratiquent montre qu’il s’agit d’un créneau spécifique, qui ne se confond pas non plus avec les logiciels de simulation en 3D. Les points communs avec les jeux vidéo sont la dimension ludique et une scénarisation très poussée qui n’existent pas dans les tutoriels « classiques » de l’e-learning. Le rendu est à la fois divertissant et interactif, passant le côté “sérieux” au second plan.
À la suite des précurseurs en la matière – Air France, Axa, EDF, L’Oréal, Michelin, Renault…- la majorité des entreprises du CAC 40 s’y sont mis. Aujourd’hui, bien que les coûts de production restent élevés (50 000 euros, en moyenne, et jusqu’à 150 000 pour certains serious games !), des PME ou des organisations de petite taille commencent à s’y intéresser, en faisant tomber les prix.
Enjeux externes des serious games : recrutement et image de marque
Utilisés traditionnellement comme outil de formation interne, les entreprises ont diversifié les usages des serious games pour leur donner une portée externe dont les résultats ne sont pas négligeables.
Pour certaines d’entre elles, les serious games sont une manière ludique de communiquer auprès du grand public sur leur univers et leurs valeurs de marque, à l’image d’IBM qui, par son jeu Innov8 CityOne, sensibilise le public sur les enjeux de la smart city. Ils permettent aussi de diversifier leur cible : Thalès a ainsi lancé en 2010 le jeu d’aventure multi-supports “Moonshield”, propulsant le public dans un univers de science fiction.
Mais les serious games sont surtout de puissants outils de recrutement. Plongeant les candidats dans un univers professionnel, ils permettent aux entreprises d’évaluer leurs capacités et aptitudes professionnelles mais aussi leur comportement en situation, bien loin des procédures de recrutement traditionnelles. Mais celles-ci restent incontournables : il ne suffit pas de “gagner” le jeu pour avoir un job à la clé : bien souvent, les serious games restent un outil de pré-sélection de candidats que les recruteurs rencontreront en personne. L’Oréal, Danone et Renault se sont déjà lancés dans l’expérience, avec succès.
Serious games : des outils de formation interne avant tout
Mais parce qu’ils sont plus immersifs que les solutions traditionnelles de e-learning, c’est en tant qu’outils de formation que les serious games sont avant tout utilisés. Situation de vente, conduite d’entretien ou de réunion, nouvelles réglementations… ces jeux peuvent répondre à une telle une palette de besoins internes, que le cours aux serious games est de plus en plus répandu. Sur les 36 des 40 entreprises du CAC 40 qui utilisent au moins un “serious game” en interne, 68% les utilisent pour la formation du personnel.
Comment réussir un serious game ?
Quel est le combo gagnant d’un serious game réussi ? Tour d’horizon des dernières initiatives dans le seul domaine de la sécurité informatique :
Gamifier pour sortir des formats habituels
Jusqu’ici, Télédiffusion de France (TDF) prodiguait des contenus de sensibilisation « à l’ancienne, en cours magistraux, arides et soporifiques », sans constater de changements dans les comportements. « Avec le serious game, les retours des joueurs sont enthousiastes. Beaucoup réclament la même chose pour d’autres contenus de formations. » Et si les mécanismes de gamification fonctionnent, certains employés peuvent devenir addicts : « D’autres encore se laissent prendre au jeu et rejouent plusieurs fois pour réaliser de meilleurs scores », explique le responsable Sécurité SI.
Garder l’attention du joueur par l’immersion et le scénario
Le CIGREF, le Club des directeurs informatiques des grands groupes en France, a lancé cet été « Keep an Eye Out». Il vise à apprendre à tous les collaborateurs « comment devenir ange gardien de la sécurité numérique de son entreprise». Le contenu, scénarisé avec l’Institut INHESJ, s’appuie sur les recommandations de la très sérieuse et très officielle Agence nationale de sécurité ANSSI. Il a été conçu par l’agence Daesign (Annecy) et a nécessité six mois de travail. Dans ce jeu d’aventure, le joueur est chargé de veiller sur deux collaborateurs. Le scénario se déroule dans cinq environnements différents : domicile, lieu public, train, chez un client et dans une gare. Le joueur est un véritable acteur du film, dans lequel il doit autant agir que réfléchir. Parmi les enjeux de ce programme, il fallait maintenir l’attention des joueurs : un univers 3D a été créé avec un scénario vivant. Le joueur « joue » sur deux registres – l’action et la réflexion.
La SNCF a également misé sur le scénario et l’immersion dans un programme de formation développé en interne. Il s’appuie sur des BD « avec des personnages qui ont l’air réel ». Le programme, installé sur un portail Intranet, comporte également un jeu en ligne, où l’élève peut gagner une tablette iPad. « Il faut montrer qu’en matière de sécurité, les sphères personnelles et professionnelles sont liées et qu’il faut donc s’astreindre à la même hygiène informatique. » Pas moins de 27 000 collaborateurs ont suivi le programme. « C’est la qualité du scénario qui est déterminante ».
En chiffres
- Le taux de satisfaction du “serious gaming” est élevé : 83% contre 50 % pour l’e-learning. Et 100 % des apprenants vont jusqu’au bout du serious Game, contre 70 % pour l’e-learning. (Source : Les Echos).
- 75 % des entreprises ayant déjà acheté au moins un “serious game” déclarent qu’elles envisagent d’en racheter un dans un délai de 6 mois à deux ans sur des budgets compris entre 50 000 et 100 000 euros. (Source : Les Echos)
- Le marché mondial des “serious games” s’élèvera à 5,448 milliards de dollars en 2020, avec un taux de croissance moyen de 16,38% entre 2015 et 2020. (Source: Markets&Markets)
- Le marché mondial du “serious gaming” devrait atteindre 6,6 milliards d’euros en 2015. Et d’ici à 2018, ce marché pourrait atteindre 11,7 milliards d’euros. (Source : Idate)
- 36 des 40 entreprises du CAC 40 utilisent au moins un “serious game” en interne. Près de la moitié en ont deux. Certaines, comme Total ou Renault, en cumulent jusqu’à 6 ou 7. (Source: Idate)
- 68% de ces entreprises du CAC 40 ayant recours aux “serious games” les utilisent pour la formation du personnel, 15% pour l’intégration de nouveaux salariés, 10% pour le recrutement et 7% pour la sensibilisation aux valeurs de l’entreprise (Source : Idate)
Ils l’ont dit
Domitile Lourdeaux, enseignant chercheur de l’Université Technologie de Compiègne :
« Les “Serious games” ne se confondent pas avec la simulation. La différence est dans l’intention ; il y a le principe de l’apprentissage ludique, avec immersion. Ce qui rajoute de la motivation. »
Eric Blanc-Chaudier, directeur de la formation chez AXA France :
« Certains collaborateurs ont besoin de dispositifs liés au jeu pour entrer dans une démarche d’apprentissage, et pour avoir envie de développer leurs compétences. »
Source : http://www.abilways-digital.com/magazine/serious-games-en-entreprise-couteux-mais-efficaces/